Le sexisme à l’heure du digital
30/01/2018
MARION GARREAU ET MARINE PROTAIS | usinenouvelle.com Les femmes sont sous-représentées dans le numérique. Le résultat d’un sexisme latent, qui se traduit par leur mise à l’écart du secteur et la persistance de biais intériorisés.Depuis la démission du fondateur d’Uber, Travis Kalanick, accusé au début de l’été d’avoir entretenu une culture sexiste dans son entreprise, les langues se sont déliées dans la Silicon Valley. Propos déplacés, harcèlement, domination banalisée… Le berceau de la tech américaine apparaît comme un bastion du sexisme. La situation n’est guère plus enviable en France. L’an passé, les femmes ne dirigeaient que 12 % des start-up, selon l’Agence du numérique. Et elles représentaient seulement 30 % des salariés du secteur, selon le Syntec Numérique, une proportion qui stagne depuis 2013. Les femmes lèvent en moyenne deux fois moins d’argent que les hommes. L’univers de la french tech, pour moderne que soit son image, n’est pas toujours accueillant pour des femmes en minorité et confrontées au sexisme. En parler est difficile et s’apparente souvent au grand écart pour des femmes entrepreneurs qui ont du mal à s’afficher en victimes. Interrogée par « L’Usine Nouvelle », l’une d’entre elles dit d’abord que tout se passe bien pour elle. Puis, au bout de vingt minutes, sous couvert d’anonymat, elle révélera qu’elle a été très près de déposer une main courante car le comportement de l’un de ses investisseurs s’apparentait à du harcèlement. Plusieurs nous ont par ailleurs confié qu’il arrivait que leurs interlocuteurs s’adressent seulement à leur associé homme ou aient des questions déplacées sur leur vie personnelle. Une autre affirme avoir reçu un e-mail d’une personne de son réseau voulant l’aider pour l’entrée en Bourse de sa société : « Je veux bien m’occuper de votre introduction en Bourse, et je ne parle pas uniquement de celle-là. » La difficulté des femmes à s’exprimer sur ces sujets est aussi le signe d’une loi du silence qui minimise le phénomène. « Nous n’avons jamais reçu de témoignage direct, mais l’omerta en France est telle qu’il est très difficile d’en avoir. Le rapport de force est trop fort. Sans oublier que le numérique est un milieu tout petit. Il est extrêmement difficile pour les femmes de parler », rapporte Emmanuelle Larroque, la directrice de Social Builder, une start-up créée pour promouvoir la mixité dans le numérique. Les réseaux d’entraide n’encouragent pas à la dénonciation. Ils préfèrent positiver et mettre en avant les quelques réussites féminines de l’Hexagone. Les comportements machistes sont pourtant l’un des facteurs expliquant la faible proportion de femmes dans la tech, qui elle-même favorise la persistance du sexisme.
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