La production de l’information peut-elle se défaire de son sexisme ?
04/07/2018
PAMELA MORINIÈRE | ejo Les constats sur les inégalités entre femmes et hommes dans le monde de l’information se répètent (voir la récente étude du réseau EJO). Si adresser les origines profondes des inégalités et du sexisme est un travail de longue haleine, on peut observer un certain nombre de mobilisations émanant de groupements de journalistes et d’initiatives de rédactions. Pamela Morinière propose ici un survol de quelques outils et pratiques qui ont vu le jour dans cette optique, en particulier ceux issus des pays francophones. «Nous ne supportons plus les clichés sexistes qui s’étalent sur les unes». Ce ras-le-bol exprimé par le collectif Prenons la une dans un manifeste publié dans Libération en 2014, résume l’état d’esprit qui anime depuis plusieurs années différentes associations, syndicats et médias de pays francophones. Tous dénoncent l’absence de femmes dans les sujets d’actualité, et le peu de sujets les mentionnant en tant qu’expertes. Des réactions qui se heurtent à des routines journalistiques fortement ancrées et à un défaut de volonté de changement à la tête des médias. Comme le montre cet article, il existe une variété d’efforts pour sensibiliser, convaincre, changer le narratif et instaurer une culture de l’égalité dans les rédactions. Ces initiatives concernent principalement quatre niveaux : la proportion de femmes dont parlent les médias, la valeur qui leur est donnée (expertes ou victimes?), la proportion de femmes qui signent des articles, et la présence de femmes à tous les niveaux décisionnels dans les entreprises de presse. Des chiffres qui interpellent Les résultats du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP), un rapport mondial analysant tous les 5 ans la place des femmes dans l’information, ont joué un rôle essentiel depuis sa création en 1995, en pointant l’invisibilité des femmes dans le contenu des nouvelles. Elles ne représentaient que 24% des personnes vues, lues ou entendues en 2015, soit aucune amélioration depuis le dernier recensement en 2010. Dans les 114 pays étudiés, les femmes apparaissent rarement comme expertes (19%) et davantage comme témoins relatant une expérience personnelle (38%). Enfin, peu de reportages reconnaissent la participation des femmes sur le plan économique : à l’échelle mondiale, elles occupent 40% des emplois rémunérés, alors qu’elles ne représentent que 20% de l’ensemble des effectifs du marché du travail apparaissant dans les nouvelles selon le dernier GMMP. Appliqué aux pays européens francophones, le constat est tout aussi interpellant. En Belgique francophone, le GMMP 2015 recense 21% de femmes dans la couverture médiatique, 24% pour la France et 25% pour la Suisse. Ces résultats, auxquels s’ajoutent ceux issus d’études nationales ou d’initiatives d’organisations de médias, sont à l’origine d’une série d’actions menées par des groupes de pression, mais aussi des journalistes, des médias et des associations professionnelles. |